SUIS-JE MEILLEUR OU PIRE ?
©photo René Poète
Suffit-il d’avoir la bouche en cœur
Pour donner aux autres tout le bonheur ?
D’avoir le sourire et les dents blanches
Pour retarder le costume de planches ?
Suffit-il d’avoir les mains dans les poches
Pour juger ce qui sur terre est moche?
Et les doigts de pieds en éventail
Sans ressembler forcément à un épouvantail ?
Dessiner sur la buée des fenêtres
Pour savoir vivre, être ou ne pas être
Suffit-il encore d’être un bon têtard,
D’être aussi un éternel et joyeux fêtard,
D’être trop souvent complètement ivre,
Pour se prouver que l’on sait vivre ?
Faut-il aussi être bardé de bijoux
Pour mettre les autres sous le joug ?
Faut-il être encore à ce point cupide
Et montrer comment être si stupide
Que l’argent soit une fin en soi ,
Pour croire pouvoir péter dans la soie ?
Faut-il se croire obligé de dénigrer son voisin
Pour en occulter soi même ses chagrins ?
Faut-il toujours sur eux déblatérer
Dans l’espoir d’un jour les enterrer ?
Faut-il toujours avoir la plus belle voiture
Et avec elle, parader sans désinvolture ?
Alors que le contenu de l’assiette se désertifie
Et que la faim au ventre s’intensifie...
Toujours ce souci permanent du paraître
Et la peur d’être oublié, de disparaître
Faut-il que d’autres prêchent la bonne parole
Tout en étant parcimonieux de leurs oboles ?
Faut-il toujours que la méchanceté soit reine
Pour enfoncer les autres dans la grande peine ?
Faut-il toujours faire preuve de perversité,
Vivre dans la plus répugnante adversité?
Nous faut-il un monde ou règne l’enfer
Alors que le meilleur reste toujours à faire ?
Faut-il avoir la bouche en cul de poule
Pour se croire autorisé de haranguer les foules
Et souvent d’avoir la tête dans le cul,
Au point d’en oublier de recharger ses accus
Faut-il encore marcher à côté de ses pompes
Pour ne jamais savoir qui vous trompe ?
Suffit-il de se croire un prédicateur
Pour ne pas avoir l’air d’un menteur ?
Suffit-il d’être invétéré coureur de jupon
Et de se croire ainsi un joyeux luron ?
Mais faut-il aussi ne plus regarder que le ciel
Et faire fi à jamais des plaisirs charnels ?
Faut-il de plus, toujours chercher à paraître
Plutôt que rester soi-même, plutôt que d’être ?
Serions-nous meilleurs, ou serions-nous pire ?
M’en jetteriez-vous la pierre pour un empire ? ...
©René Poete, Semur en Auxois 8 JANVIER 1999