26 juin 2007
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| | Juillet 1907 : Picasso inventait le cubisme avec ses fameuses Demoiselles d'Avignon. Des demoiselles en cubes ? Pas seulement… Tirer la profondeur d'une surface plane De tout temps, les artistes ont peint sur une surface plane un univers en trois dimensions. Depuis longtemps, ils cherchaient à rendre la profondeur manquante, le volume absent, par des techniques variées : jeux de lumières, différences de taille des objets (le plus petit figurant le plus lointain), invention de la perspective… Cézanne, dans un courrier adressé à Picasso, lui donnait précisément pour conseil de voir la nature en termes géométriques : cubes, cônes, cylindres - c'est-à-dire en volume. Mais quand Picasso reçoit cette lettre, il l'interprète tout autrement. Pour lui en effet, reproduire la réalité le plus fidèlement possible, transformer le pinceau en un troisième œil, est une voie sans avenir. Car l'homme ne voit pas seulement avec ses yeux mais avec son cœur, son âme : lorsqu'il est face à un objet ou à un personnage, il en connaît déjà spontanément tous les contours : sa connaissance va au-delà de ce que lui donne la vision immédiate, même en trois dimensions. Faire le tour de l'objet sans bouger Picasso imagine donc de peindre tous les côtés d'un objet donné à la fois, de façon faussement déstructurée (comme un jeu de cubes dont on verrait tous les côtés). Les Demoiselles d'Avignon sont un premier essai pour " faire le tour du sujet sans bouger ", en peignant sur la même surface les yeux de face, le nez de profil, les oreilles de trois-quart, le dos et le devant côte à côte, etc. Transformer le cerveau en un troisième oeil L'un des exemples le plus abouti de ce raisonnement est son Violon et raisins de 1912 : " La volute et l'une des chevilles sont vues latéralement, comme nous les imaginons tout naturellement quand nous pensons à un violon, écrit l'historien d'art Ernst Gombrich. Les ouïes, en revanche, sont vues de face ; de côté, on pourrait tout juste les deviner. La courbe de l'éclisse est exagérément prononcée, comme nous pouvons imaginer une telle courbe à la lumière d'un souvenir tactile ". Bref, le cubisme est un essai pour non pas casser la structure de l'objet mais lui rendre tout son volume en un seul tableau. Une recherche qui a ses limites Pour que le spectateur retrouve spontanément ses propres perceptions de l'objet sur le tableau, il est nécessaire que le sujet lui soit familier. Picasso avait conscience de cette limite. Les autres cubistes aussi, qui ont surtout peint des hommes, des femmes ou des objets de la vie quotidienne. Le cubisme n'est pas une solution universelle mais une façon parmi d'autres d'appréhender la réalité, de répondre à l'éternel problème de la peinture : figurer l'espace sur un plan. Une réponse nouvelle qui, cent ans plus tard, nous semble toujours aussi pertinente. Texte : Marie-Odile Mergnac | | | | |