Elégies pour mes Egéries
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"Rien n’est jamais acquis à l’homme. Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur. Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie.
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux"
Louis Aragon (La Diane Française )
I
Oh toi ma pensée , contre quoi te bats-tu?
Et toi mon cœur, pour qui, pour quoi te bats-tu ?
Et moi, pourquoi toute ma vie me serais-je battu ?
Serait-il question de sombrer sans combat, sans m’être débattu ?
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Ne serais-je donc condamné qu’à chercher ma rime ?
Pour cet Amour désespéré auquel je persiste, je m’arrime ...
Faudrait-il toujours que pour lui seul je sue, je trime,
Sans jamais en obtenir la moindre jouissance, la prime ?...
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Faut-il qu’à ce point je demeure si fanatique
Pour te préférer à toutes choses , toi , Amour romantique ?
Faudrait-il qu’en tous points je reste apathique ?
Envers cet Amour qui souvent se révèle utopique ...
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C’est toujours ou encore trop souvent à noirs desseins
Que les soucis s’abattent en nuées sur notre destin,
Qui obscurcissent nos idées comme de gigantesques essaims
Nous harcelant la tête, le corps , les intestins ...
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Honni soit qui me hait et bienvenu soit qui m’aime,
A l’amitié, à l’Amour que je voudrais coiffer d’un diadème ;
Insensé celui qui pourrait croire qu’il me soit problème,
Moi je ne peux qu’aimer, dussé-je en supporter l’anathème ! ...
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A l’Amitié, a l’Amour je voudrais donner tous mes instants
Car pour moi ,exister sans vivre est bien trop attristant !...
Pour chaque lendemain je voudrais m’éveiller heureux et chantant ;
Moi je ne peux qu’aimer pour ce qui me reste de temps ...
II
Dites-moi donc , selon vous quel est mon crime ?
Pour défendre mon Amour faut-il que je m’escrime ?
Contre cette solitude qui me pèse, qui m’opprime,
Contre ce malaise qui me prend au corps, me déprime ...
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J’aurais pu être un homme comblé et heureux,
N’avoir que l’Amour à regarder au fonds des yeux ;
J’en avais l’intime conviction, fait mon vœux
Le sort m’en afflige d’un terrible désaveu !...
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A vouloir trop étreindre, à vouloir trop aimer,
On n’en arrive qu’ à se faire détester ...
Je rêvais que nous pouvions encore nous aimer
Mais le rêve s’est soudain mis à s’évaporer ...
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Il m’est , hors la vie, de plus parcimonieux alambic,
Auquel mon esprit refuse obstinément que j’abdique,
Pour nous distiller ce bonheur que je revendique,
Et qu’il est hors de question que, de ma vie , j’éradique ...
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Je n’avais d’autre que ce seul espoir à défendre
Que le sort, malheureux est venu pourfendre;
Avant même que je sois en mesure de comprendre,
Toutes espérances furent anéanties, réduites en cendres ...
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Faut-il à l’avenir que j’envisage ou que j’élabore
Une autre vie ou que j’use de l’hellébore ?
Sans Amour , toutes autres joies , j’abhorre ;
Il ne serait plus que tristesse que mon visage arbore ...
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De cet Amour dont on ne dispose qu’à dose homéopathique
Et de tous ses sentiments assemblés , tels une mosaïque,
J’en avais concocté maints éloges dithyrambiques
Qui me paraissent en fait que conceptions utopiques
III
Fallait-il qu’à ton jeu encore je me pique ?
Sans que jamais je ne puisse t’envoyer la réplique.
Falait-il que je t’adresse un jour mes suppliques ?
Pour que ton inepte et terrible loi , tu m’appliques ? ...
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Fallait-il que vienne s’ajouter ce mal superfétatoire
Qui vienne, d’un seul coup, briser tous mes espoirs ?
Etait-il besoin que j’en sois la victime expiatoire,
Que je sois la cible vulnérable de tes manœuvres vexatoires ? ...
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Etre heureux en Amour ou ne pas être ;
Rien n’est très évident, encore moins d’y paraître ;
Le sourire étant le signe extérieur du bien-être,
Il cache très mal les douleurs qu’il laisse transparaître ...
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Devrais-je enfin faire publiquement mon autocritique ?
Pour bénéficier, en Amour, de la réhabilitation automatique .
Ai-je commis une erreur de langage, de dialectique ?
Pour être privé ainsi d’un Amour des plus authentiques ...
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Ce que je redoute le plus, c’est l’érosion du temps
Ce temps qui s’écoule sans cesse, inexorablement ;
Ce temps qui se passe sans bonheur, avec maints tourments,
Sans ma Muse, mon Egérie dont je fut l’amant .
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Sans Amour, les saisons n’ont à mes yeux, plus de couleurs;
Les fleurs restent pour moi sans attraits, sans odeurs;
J’en oublierais presque toutes leurs subtiles senteurs .
Il ne m’est plus que solitude qui me pèse, tout n’est que douleurs ...
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Sot ai-je été, je croyais la bercer de mes stances !
Ce n’était que compter sans sa latente inconstance ...
Avoir conquis son Amour, j’y croyais avec persistance;
Aujourd’hui elle ne m’oppose plus qu’indifférence et résistance ...
©René P.
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