"C'est donc seule que j'ai longé ce mur, et que, dans le silence, j'ai cherché, un à un, les noms de mon père, mon frère, puis, aux côtés du mien, les noms de ma soeur, et surtout celui de ma mère, l'être qui a pour moi été le plus cher au monde : ma mère, restée à nos côtés pendant toute la durée de l'épreuve, et grâce à laquelle, ma soeur et moi avons trouvé la force de survivre. Jamais je n'oublierai ces derniers mois, ces "marches de la mort" qui nous ont conduites à Gleiwitz, puis le transport dans un froid glacial à Dora et l'arrivée à Bergen Belsen où l'épuisement, la faim, et le typhus ont emporté ses dernières forces. C'est vers elle que vont mes pensées. C'est aussi vers ma soeur Denise, déportée Résistante à Ravensbrück, dont le nom ne figure pas sur ce mur car c'est à elle et à Milou, rentrée avec moi, que je dois d'avoir repris goût à la vie."
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"Nous étions français, belges ou polonais, d'autres étaient venus de Ruthénie, des Carpates, de Salonique, ou encore de Tunisie. Certains se sentaient profondément religieux, d'autres étaient athées. Mais nous avions en commun d'avoir été arrêtés en France parce que nous étions juifs, 76 000 Juifs, dont 11 000 enfants. Comme tous les Juifs d'Europe, nous avions tous été persécutés ; nous devions tous être arrêtés, déportés, puis exterminés. Il était donc important que nous érigions ce mur en France, puisque c'est ici que nous avons été arrêtés. C'est ici que nous avons été discriminés, humiliés, internés, avant d'être déportés."
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"Au moment où, nous, les derniers témoins de la Shoah, disparaissons les uns après les autres, le Mémorial, grâce au Mur des Noms, a pour vocation de pérenniser la mémoire. Le temps n'est pas loin où disparaîtront les derniers témoins de cette époque maudite. Le temps viendra aussi où nos enfants et nos petits enfants, qui nous ont souvent interrogés, disparaîtront à leur tour. Certes, nous espérons que nos descendants, longtemps encore, se souviendront, comme les Juifs chassés d'Espagne et du Portugal ont su préserver la mémoire et la langue de leurs ancêtres.
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" Devant ce mur, passeront aussi des classes d'élèves, des jeunes dont beaucoup n'auront sans doute jamais entendu parler de la Shoah, à moins que l'école, comme elle le fait depuis quelques années, assume pleinement sa mission d'enseignement de l'histoire. En effet, la mémoire de la Shoah ne peut pas être seulement portée par les victimes et leurs descendants. Parce que la Shoah a été le mal absolu, elle doit continuer à interpeller, tout à la fois la mémoire collective et la conscience de chacun. Ainsi, chaque passant ou visiteur doit comprendre qu'en exterminant les Juifs, c'est l'Humanité tout entière qui a été assassinée à Auschwitz, Maidanek, Belzec, Buchenwald, Treblinka ou Sobibor."